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Penpa Tsering, président du gouvernement tibétain en exil : « Les Occidentaux ont nourri le dragon chinois »

C’est le plus haut représentant de la diaspora tibétaine : Penpa Tsering, sikyong (président) du gouvernement tibétain en exil, est la voix politique du Tibet de l’« extérieur » ; celui des réfugiés, des dispersés, de tous ceux qui, après 1959 et la brutale répression chinoise du soulèvement de Lhassa, ont fui leur pays après le départ du dalaï-lama. Le siège du gouvernement en exil est depuis lors basé à Dharamsala, une petite ville située au pied de l’Himalaya indien.
De passage à Paris, où il vient d’effectuer sa première visite en France depuis son élection en 2021 à la tête du Kashag – le gouvernement –, le président philosophe sur les façons de combiner les exigences de l’exercice du pouvoir et les nécessités de la compassion envers tous les êtres, injonction suprême du bouddhisme : « Le Parlement, c’est pour moi le lieu d’une sorte de retraite méditative », explique-t-il. « Je ne suis pas un expert des textes religieux du bouddhisme, je ne suis pas un moine ! Mais je me laisse guider par la sagesse du dalaï-lama sur la question. Par exemple, quand j’assiste à une session du Parlement en exil [quarante-cinq sièges] et que les députés se parlent mal ou se disputent, je reste calme, ainsi que la méditation me l’a appris. »
Agé de 57 ans, visage impavide, parfois sombre mais souvent éclairé par de vifs sourires, sikyong la, « monsieur le président » en tibétain, a beau être le plus haut représentant des 130 000 Tibétains de l’exil disséminés sur les cinq continents – 60 % en Inde, au Népal et au Bhoutan, et 40 % dans le reste du monde –, ses pouvoirs sont limités : les décisions qu’il prend ne peuvent concerner que la diaspora. Elles sont bridées en Inde, par les autorités qui « accueillent » les Tibétains et leurs instances politiques tout en restreignant à des espaces strictement communautaires les pouvoirs du Kashag. Au point que l’appellation « gouvernement en exil », terme jugé trop provocateur par New Delhi à l’égard de la Chine, est bannie au profit d’une expression plus neutre : « Administration tibétaine centrale ».
Pour autant, l’exercice du pouvoir reste complexe, voire frustrant. Surtout depuis que le dalaï-lama a décidé, en 2011, de renoncer à son statut de chef d’Etat, conservant simplement son rôle de guide religieux des Tibétains. Cela à rebours d’une tradition qui confondait jusque-là, comme au Vatican, le temporel et le spirituel. Dès lors, les instances exécutives et parlementaires élues des Tibétainsen exil – gouvernement et Parlement – ont définitivement été propulsées dans le fonctionnement compliqué de la démocratie. Avec ce que cela suppose de divisions, de rancœurs et de malentendus.
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