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L’hydrogène vert dans les pays du Sud, un nouveau colonialisme ?

Des tribus chassées, des terres accaparées, de l’eau utilisée à des fins industrielles au lieu de servir les populations locales. S’ils sont menés au nom de la lutte contre le changement climatique et de la décarbonation des économies, les projets d’hydrogène vert font aussi l’objet de vives critiques de la part d’ONG dès lors qu’ils sont mis en œuvre dans des pays du Sud. En Namibie, par exemple, où le groupe allemand RWE a signé un protocole d’accord en 2022 avec l’entreprise locale Hyphen Hydrogen Energy afin d’exporter jusqu’à 300 000 tonnes d’ammoniac vert par an, des voix s’élèvent pour dénoncer le fait que 45 % seulement de la population locale a accès à l’électricité.
« Dans l’absolu, nous ne sommes pas opposés aux projets d’hydrogène vert, mais ce qui nous choque, c’est qu’ils aient vocation à sécuriser les besoins énergétiques des pays du Nord sans souvent tenir compte de ceux du Sud », dénonce Hamza Hamouchene, chercheur et militant algérien au cabinet de réflexion Transnational Institute, à Londres, en pointant le fait que ces projets sont dirigés par des groupes occidentaux qui possèdent les technologies et les capitaux : « En Namibie, le projet est détenu par des investisseurs allemands et britanniques, et le gouvernement namibien ne peut aller au-delà de 24 % des parts du projet », regrette-t-il.
Si l’Europe s’est fixé comme objectif d’importer 300 térawattheures (TWh) d’hydrogène issu d’électricité renouvelable d’ici à 2030, l’Afrique du Nord ne produit, pour l’heure, que 150 TWh d’électricité, presque en totalité d’origine fossile. « Ces pays vont avoir besoin d’une forte capacité électrique pour se décarboner eux-mêmes, en plus des ressources supplémentaires pour exporter », renchérit Ines Bouacida, chercheuse à l’Institut de développement durable et responsable.
A son sens, cependant, les échanges d’hydrogène vont sans doute d’abord se développer au niveau intra-européen. Dans un second temps, « il faudrait réussir à satisfaire le double enjeu d’accès à l’énergie pour les pays en développement et de décarbonation pour leur système énergétique et le nôtre », poursuit cette experte, qui y voit aussi une occasion favorable pour ces pays : « La chaîne industrielle est très déséquilibrée au niveau mondial, et l’hydrogène peut être un moyen de rebattre les cartes », assure-t-elle.
De leur côté, les pays promoteurs de tels échanges invoquent la nécessité d’une coconstruction. « Sur le colonialisme, l’Allemagne répond que les projets ne tireront pas d’électricité du réseau mais d’infrastructures d’énergies renouvelables dédiées, que cela va créer de l’emploi et de la valeur localement », rapporte Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie et climat de l’Institut français des relations internationales. « Et que, bien sûr, il sera prêté attention au fait que ces pays disposent d’un plan de décarbonation et de développement qui soit aussi aidé », ajoute-t-il.
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