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A Bruxelles, l’art comme matière à pouffer

Choisissez un Belge au hasard, il y a de fortes chances pour que vous tombiez sur un poète un peu fantaisiste (et réciproquement). François de Coninck, par exemple, artiste, enseignant, éditeur, critique d’art, commissaire d’exposition, collectionneur et surtout fou de mots. De bons mots de préférence, ceux qui font pouffer ou donnent des mondes à penser, des univers à rêver. Ceux-là, il les produit, les édite quand ils viennent d’un ou d’une autre, les expose aussi.
C’est le cas d’une bonne partie des œuvres que montre la Centrale, un centre d’art contemporain de Bruxelles, conjointement avec celles prêtées par la collectionneuse (elle préfère se définir comme une « artcoholic ») Galila Barzilaï-Hollander, qui a créé et ouvert au public un cabinet de curiosités glanées un peu partout dans le monde, avec pour principal critère dans le choix d’une œuvre son caractère incongru. D’où le titre de l’exposition, choisi par François de Coninck, qui en assure le commissariat, L’Art de rien…
Elle regroupe soixante-dix artistes majoritairement bruxellois, nombre qui est déjà en soi une petite folie, mais comme les œuvres sont souvent minuscules et presque toujours modestes, en tout cas jamais écrasantes, ça passe. L’accrochage semble même aérien, un réel exploit. On serait bien en peine de définir une ligne commune : il ne s’agit pas d’un mouvement, même si on discerne des réminiscences surréalistes, mais d’un état d’esprit. François de Coninck le résume, dans son texte d’introduction, par un exemple (absent de l’exposition), la Tête de taureau (1942), de Picasso, célèbre assemblage d’un guidon (les cornes) et d’une selle (la tête) de vélo. Improbable, mais plastiquement d’une redoutable intelligence.
Reste que tant de simplicité peut déplaire : on a relevé sur les réseaux sociaux ce commentaire assassin : « des œuvres clin d’œil dont on fait le tour en un clin d’œil… ». Ce n’est pas faux, même si le clin d’œil peut, chez d’autres, provoquer quelques saines stimulations cérébrales, sans compter un effet parfois radical sur les zygomatiques : est-il si grave qu’une exposition d’art contemporain fasse sourire ?
Certaines œuvres sont coquines, comme ce nu fait de fils de laiton, un peu trop inspiré de Markus Raetz (1941-2020), ou taquines, comme quand Fanny Viollet met une culotte (une vraie) à une reproduction de L’Origine du monde (1866), de Courbet : moins une censure qu’un geste de pudeur féminine. D’autres font un peu peur, comme le Fauteuil fongique, d’Elodie Antoine, couvert de gros champignons qui laissent penser que le musée manque d’aération (on lui doit aussi un rouge à lèvres en forme de mèche à béton, une cage thoracique en fermeture Eclair et un grillage concentrationnaire façonné avec de la dentelle aux fuseaux…).
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